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Tannhauser's Gate

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Lectures, chroniques, interviews, news, polars et romans noir, sf et fantasy


Entretien avec Tade Thompson (VF)

Publié par Tannhauser sur 17 Avril 2018, 14:33pm

Catégories : #Interviews, #Tade Thompson, #Rosewater

Après avoir lu "Rosewater", j'ai eu envie de parler un peu avec Tade Thompson, un grand merci à lui d'avoir pris le temps de répondre à mes questions. Je vais définitivement suivre avec attention tout ce qui concerne la suite de "Rosewater" !

 

Est-ce que vous pouvez vous présenter aux lecteurs français qui ne vous connaissent pas, d'où venez-vous, vos études, votre carrière avant d'écrire ?

Je m'appelle Tade Thompson, je suis du sud de Londres, mais mes ancêtres sont Yoruba. J'ai fait des études de médecine, de psychiatrie et d'anthropologie sociale.

Votre premier roman Making wolf est un polar, Rosewater est moitié polar moitié sf, votre dernière novella The murder of Molly Southbourne est plus orientée horreur, quel genre est le plus important pour vous ?

La définition exacte d'un genre m'importe peu. J'écris ce que j'ai envie d'écrire à un moment donné, en allant là où les personnages et l'histoire me mènent. Je m'inquiète des classifications après-coup.

Comment est-ce que vous présenteriez "Rosewater" et "Making wolf" ?

Rosewater est l'histoire d'une invasion extra-terrestre et de ses effets sur la population locale, particulièrement sur ceux gagnant des capacités inhabituelles. Making wolf est un roman policier uchronique se déroulant en Afrique de l'ouest basé sur des éléments de ma jeunesse.

Est-ce que vous êtes un grand lecteur de sf ou de polars ? Quels sont les auteurs ou les livres importants pour vous, aujourd'hui et quand vous étiez plus jeune ?

Je lis de tout. C'est difficile de faire une sélection, mais je vais donner quelques exemples de livres que j'ai appréciés : Dune de Frank Herbert, Les apparences de Gillian Flynn, Mystic River de Dennis Lehane, Pas de temps à perdre de Mickey Spillane, Le grand sommeil de Raymond Chandler, Six easy pieces de Walter Mosley (note : non traduit), Perdido street station de China Mieville, Collected stories de Lorrie Moore (note : nouvelles traduites chez Rivages), Les synthérétiques de Pat Cadigan, Les amants du Spoutnik de Haruki Murakami, Les dépossédés de Ursula K Le Guin. Mon livre préféré est Frankenstein de Mary Shelley.

Vous avez aussi écrit plusieurs nouvelles et novellas, qu'est-ce que la forme courte représente pour vous ?

Hmm. La longueur de ce que j'écris n'est pas prédéterminée. Je commence simplement avec une idée et je la suis jusqu'à sa conclusion logique. Un récit est aussi long que nécessaire, parfois une micro-nouvelle, parfois un roman en plusieurs volumes, c'est pourquoi je n'ai pas d'attachement philosophique à une longueur particulière. J'aime lire des nouvelles parce que vous pouvez vous asseoir, finir une une histoire complète et vous sentir satisfait.

J'en ai parlé dans ma chronique, Rosewater a reçu le tout premier Nommo award du meilleur roman de l'African speculative fiction Society, vous pouvez nous parler un peu de ce prix ? Et que pensez-vous de la science fiction africaine contemporaine ?

Oui bien sûr. Premièrement le nom exact de la récompense est Ilube Award for Best Novel, même si il fait partie des Nommo Awards. Bien qu'il y ait eu des africains opérant dans le domaine de la science fiction depuis des dizaines d'années, il y a eu peu de reconnaissance. Il y avait des légendes envahissantes concernant la production et la consommation de science fiction par des africains, qu'ils soient sur le continent africain ou dans la diaspora. La "African Speculative Fiction Society" a été fondée pour corriger cela et promouvoir la fantastique écriture africaine. Vous pouvez trouvez plus d'informations ici http://www.africansfs.com/resources/published

Concernant Rosewater, d'où vous est venue l'inspiration pour cette histoire et pour cet univers? J'en parlais un peu dans ma chronique aussi, le monde que vous avez créé est impressionnant, tout semble tellement possible. Comment est né le personnage de Kaaro ? Comment est-ce que vous le définiriez ?

Kaaro est en partie basé sur un voleur que j'ai connu au Nigeria. Il avait cette étrange habilité de trouver les choses de valeur chez n'importe qui, même si il n'était jamais venu avant. Il a été emprisonné à Enugu et je l'ai rencontré quand il était sorti pour un travail. Il m'a raconté beaucoup d'histoires.

Comment est-ce que vous écrivez, pour Rosewater, est-ce que vous aviez un plan, ou une chronologie que vous suivez ?

Non, je n'avais pas de plan. J'avais une chronologie, et quand j'ai fini le premier jet, j'ai fait en sorte que tout colle.

La construction est aussi intéressante, avec les chapitres alternant deux époques de la vie de Kaaro, pourquoi avoir choisi cette construction ?

Parce qu'il y a des parallèles entre ses jeunes années et sa vieillesse. Je voulais que les deux périodes se superposent. Et aussi parce que j'aime les récits fracturés chronologiquement.

Il y a des passages qui peuvent se lire comme un métaphore de la colonisation, est-ce que c'est quelque chose que vous voulez explorer avec vos livres ?

Jamais de façon délibérée, mais la colonisation est tellement un trauma fondamental et générationnel pour l'identité noire que cela trouvera toujours son chemin dans mon travail, d'une façon ou d'une autre.

Ce qui est aussi impressionnant dans votre livre est l'univers que vous avez créé, avec des inventions incroyables : Wormwood, Anthony, "l'avatar" de Kaaro, Utopicity...comment avez-vous créé la xenosphere par exemple, et comment la définiriez-vous ?

La xenosphère est comme un cerveau comprenant la totalité de la biosphère de la Terre. C'est un réseau de neurones artificiels qui piège l'information en temps réel. J'avais l'habitude de travailler avec des routeurs, des pare-feu et des commutateurs Cisco (j'étais un Cisco Certified network Professional) j'ai utilisé mes connaissances en la matière et en biologie pour expliquer comment fonctionne la xenosphère.

Quand j'ai commencé à le lire, je croyais que Rosewater était un one-shot, mais j'ai entendu dire qu'il s'agissait du premier livre d'une trilogie. Vous pouvez nous parler un peu de la suite ? Est-ce que l'on en apprendra un peu plus sur l'Amérique par exemple ?

Oui, c'est le début d'une trilogie, cependant... ce n'est pas si simple. J'ai beaucoup de notes (environ plus de 300 000 mots) à propos d'événements se déroulant avant Rosewater. Je sais comment tout se termine, et oui, vous apprendrez plus de choses à propos de ce qui s'est passé en Amérique. Il y aura peut-être des livres, des nouvelles ou des novellas après la trilogie.

Il y aura une nouvelle édition de Rosewater en 2018 chez Orbit books, après quoi vous devriez avoir les livres 2 et 3 assez rapidement.

J'ai lu qu'une de vos nouvelles est liée à l'univers de Rosewater, vous pouvez nous en dire plus ?

Plusieurs de mes nouvelles sont liées à Rosewater et à son univers : The McMahon Institute for Unquiet Minds, Bicycle Girl et Slip Road.

A la fin du livre il y a un très beau dessin. Vous pouvez nous en parler ? Il est tellement beau que je l'ai tout de suite mis en fond d'écran sur mon téléphone...

Je l'ai peint. Ca s'appelle "Fascinator", et j'ai insisté pour qu'Apex Books (l'éditeur original) l'utilise comme frontispice. Je suis content que vous l'aimiez et que vous l'utilisiez en fond d'écran.

Est-ce que vous avez d'autres projets, un nouveau roman ou autre?

Ma novella The murders of Molly Southbourne obtient de bonnes critiques et une option a été mise pour une adaptation au cinéma. J'ai soumis le deuxième livre de Rosewater à mon éditeur et je suis en train de travailler sur le troisième. Après cela, il se pourrait que je revisite l'univers de Making Wolf ou peut-être que j'écrive une histoire de fantasy contemporaine que j'ai commencé à esquisser.

Je peux dire qu'il y a une traduction en français à l'horizon, mais je ne peux pas en parler plus. Il y aura bientôt une annonce à ce sujet.

Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais Muriel Penicaud, la Ministre du Travail, a déclaré récemment qu'il était "important pour la science fiction de s'emparer du thème du travail"... C'est déjà le cas en France, avec beaucoup d'auteurs réfléchissant aux nouvelles formes que pourraient prendre le travail aujourd'hui et dans un futur proche, il y a même eu un recueil paru l'année dernière "Demain le travail" publié chez La Volte, et certains écrivains se sont regroupés pour réfléchir à ce que pourrait être la science fiction aujourd'hui et à d'autres questions politiques ou sociologiques... Je pense que ça doit être plus moins identique dans le reste du monde. Et je ne parle même pas de tous les livres de William Gibson, John Brunner, Ada Palmer et bien d'autres...

Certains auteurs ont réagi, comme Norbert Merjagnant ici.

 

Qu'est-ce que vous en pensez, quelle est votre opinion à ce sujet ?

A quelques exceptions près, la science-fiction est terrible pour prédire le futur. Il est plus probable d'influencer le futur en influençant l'esprit des créateurs. La génération d'enfants ayant découvert les mother box de Jack Kirby est la même génération qui nous a donné les smartphones par exemple.

Ceci étant dit, mon opinion est que c'est mieux d'agir de façon naturelle, que les écrivains trouvent le chemin vers leurs propres idées, plutôt que d'être dirigé hiérarchiquement ou en comité. Mais c'est juste mon avis, et je peux me tromper !


 

La page Twitter de Tade Thompson


 

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