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Tannhauser's Gate

Tannhauser's Gate

Lectures, chroniques, interviews, news, polars et romans noir, sf et fantasy


"The twelve children of Paris" de Tim Willocks

Publié par Tannhauser sur 17 Avril 2013, 14:12pm

Catégories : #Tim Willocks, #Twelve children of Paris, #Chroniques

 

Après « La Religion » en 2009, nous retrouvons enfin Mattias Tannhauser ! Et je n’ai qu’une chose à dire : ça fait vraiment, mais vraiment du bien !

Pour ceux qui n’ont pas lu le premier volet de ses aventures, voici un petit résumé de ce magnifique livre. Mattias Tannhauser, mercenaire, marchand d’armes et d’opium, arraché encore enfant à son village saxon natal, a grandi et été enrôlé dans le corps des janissaires. Des années plus tard, il se retrouve à Malte pour rechercher l’enfant d’une comtesse, Carla de La Penautier, pendant le siège de l’armée du sultan Ottoman Soliman le Magnifique en 1565.

Sur plus de 800 pages, Tim Willocks nous livrait une magnifique épopée pleine d’héroïsme, de grandeur, d’amour, d’honneur, pleine de fureur et de violence, incroyablement documentée, une description de ce choc entre l’occident et l’orient, une magistrale évocation de la religion, de la foi, et des folies commises au nom de Dieu, dont les premières pages, que dis-je, les premières phrases vous happaient littéralement dans la vie de ces personnages.

Et voilà donc la suite, le deuxième volet de la trilogie que Tim Willocks consacre au grand Mattias.

Quand j’ai lu « La Religion », je connaissais déjà l’auteur par ses précédents romans noirs « Bad city blues » et « Les rois écarlates », je connaissais son écriture puissante, visuelle, son talent pour créer des personnages et les rendre plus que vivants en quelques phrases.

Mais avec « La Religion » une étape avait été franchie, dès les premières phrases, je me répète, j’ai été accroché par le personnage de Mattias Tannhauser. La première scène de « La Religion », quand le village se fait attaquer par les troupes ottomanes, et que cet enfant de forgeron se fait enlever, juste après avoir forgé sa toute première dague, cette première scène donc m’avait poussé à lire plus de 600 pages en un week end.

Avec « The Twelve children of Paris », ce fut la même chose, et plus encore.

Pour planter le décor, Tannhauser arrive à Paris le 23 aout 1572 afin de retrouver sa femme, Carla, enceinte, invitée au mariage de Marguerite de Valois et Henri de Navarre. Sa quête dans les rues de Paris va lui révéler un complot les visant Carla et lui, et rencontrer plusieurs personnes, dont 12 enfants, tout en le plongeant au cœur du massacre de la Saint Barthélémy.

Voilà pour le point de départ, mais « The Twelve children of Paris » c’est plus qu’un simple roman historique ayant pour cadre cet épisode sanglant de l’histoire de France. Je pense sincèrement que Tim Willocks a écrit un véritable monument dont l’action se déroule sur une trentaine d’heures, depuis l’arrivée de Tannhhauser à Paris dans l’après-midi du 23 août jusqu’à la nuit du 24 août…

754 pages qui passent en un clin d’oeil, des personnages impressionnants de profondeur et de vie, des scènes hallucinantes et hallucinées, une narration maitrisée de bout en bout, et une description de Paris en 1572 plus que réussie. Le lecteur sent les égouts à ciel ouvert, sent les marchés dans les rues de Paris, il entend Paris, il arpente et il sent les rues de Paris.

Je vais revenir sur les points forts du livre, premièrement les personnages, en commençant par le personnage de Mattias.

Déjà dans « La Religion », Mattias était magnifique. Un vrai héros, au sens noble du terme, en quête de rédemption, violent certes, mais héroïque, ne jouant aucun rôle, aucun jeu, sans fausseté ou hypocrisie, un héros né dans le sang et la violence.

Ici, dans ce livre, on voit comment l’amour et sa relation avec Carla l’ont changé, tout en restant égal à lui même. L’amour, son désir d’être père, son désir d’une famille l’ont changé, et il est prêt à tout pour retrouver Carla qui porte son enfant, perdue dans la folie sanguinaire de la Saint Barthélémy.

Il est violent, brutal, mais toujours profondément bon et généreux.

Il n’y a pas que Mattias, je ne veux pas trop en dévoiler concernant les autres personnages que l’on rencontre dans le livre, mais sachez qu’il y en a des magnifiques dont les noms et les paroles résonnent encore dans mon esprit. Que ce soit les enfants ou les autres, Tim Willocks a créé une galerie de personnages incroyables, profonds, complexes, attachants, des personnages qui auront un impact sur Mattias et Carla, mais aussi sur le lecteur.

Deuxièmement, la description de Paris, des massacres de la Saint Barthélémy et leur déroulement.

Dès les premières pages, on est dans les rues de Paris avec Mattias, on traverse la Seine par le Pont au Change ou le Pont aux Meuniers, on passe devant le Petit Châtelet, on entend et on voit les sergents à verge qui patrouillent dans les rues, on sent la merde dans les égouts, et on sent les parfums dont les nobles aspergeaient leurs vêtements pour camoufler la puanteur des rues. On entend les cloches de Notre-Dame, on arpente son parvis, on entend les cloches appelant aux meurtres, on entend claquer les pavés des rues et des ruelles.

Plan_de_Paris_en_1572

Concernant la description des meurtres, la description de la folie qui se déchaine contre les Huguenots, ceux qui ont lu « La Religion » savent que Tim Willocks est un maître dans l’art de décrire des corps se faisant éventrer, décapiter, brûler, empaler… C’est encore le cas ici, on patauge dans le sang et les entrailles des protestants massacrés. Une des réussites est de plonger ces enfants croisés par Mattias, à la base symbole de l’innocence, au milieu de cette violence, au milieu de cette folie, avec deux conséquences : d’abord cela permet au lecteur de supporter tout ça, mais en même temps elle en amplifie l’impact.

Pour ce qui est de la description historique, Tim Willocks s’est une nouvelle fois parfaitement documenté. Tout est là : la tentative d’assassinat sur l’amiral Coligny, la description des réactions au mariage de Marguerite de Valois et de Henri de Navarre, la description de la tension à la Cour et dans les rues de Paris, la réunion du Roi et de ses conseillers menant à la décision d’éliminer les chefs protestants, et comment la fureur du peuple s’est déchainée, échappant à tout contrôle.

Tim Willocks nous parle de cet épisode extrême de l’histoire de France, de cet épisode extrême des guerres de religion, et son écriture unique nous force à regarder la folie s’emparant de la population.

Ensuite, en ce qui concerne la construction du livre, la narration.

Voici la première phrase, en anglais, mais vous sentirez la force de l’écriture de Tim Willocks :

« Now he rode through a country gutted by war and bleeding in its aftermath, where the wageless soldiers of delinquent kings yet plied their trade, where kindness was folly and cruelty strength, where none dared claim his brother as his keeper »

Il y a des chapitres magnifiques, des moments magiques dans ce livre. J’ai l’impression que je me répète, et que je vais manquer de superlatifs…

Cinq parties, plus un épilogue, couvrant 36 heures environ. Les deux voix principales du livre sont Mattias et Carla, mais dans quelques chapitres, la parole est donnée à des personnages secondaires. Et tout fonctionne à merveille, le talent de Tim Willocks est d’avoir réussi à trouver le rythme parfait pour raconter cette histoire en jonglant avec tous les personnages. On suit la quête de Mattias, qui est peu à peu changé par ses rencontres et par ce qu’il voit, on suit Carla, prête à tout pour survivre et donner naissance à son enfant. On assiste aux changements qui ont lieu en Mattias et Carla, mais aussi aux changements causés par ces derniers sur ceux qui les croisent.

Son écriture visuelle, frappante, puissante est pour beaucoup dans la réussite de ce livre, sans sa maestria, ce livre n’aurait pas eu autant de scènes aussi marquantes, que ce soit dans les passages décrivant les massacres ou les combats de Mattias, mais aussi dans les simples descriptions des rues, des différentes strates de la population, des bâtiments, des paysages parisiens, ou dans les dialogues.

Tim Willocks qualifie « The Twelve children of Paris » de livre extrême. Il craignait que les lecteurs ayant aimé « La Religion » ne soient désarçonnés par le fait qu’il y ait moins de lyrisme, moins de grandeur, qu’il soit beaucoup plus brutal, plus direct. C’est différent en effet, mais ce sont deux livres différents, deux histoires différentes. Dans « La Religion », Tannhauser tombait amoureux de deux femmes magnifiques, Carla et Amparo, la rencontre amoureuse était pleine de lyrisme et de beauté. Ensuite, il s’agissait du siège de Malte, d’une guerre, d’une bataille entre deux armées, entre soldats. Malgré la violence et la sauvagerie des batailles, malgré tout l’arrière plan des guerres de religions, de la violence et de la haine qui régnaient, honneur et héroïsme n’étaient pas absents.

Ici, pas de soldats, nulle trace d’honneur ou d’héroïsme dans les meurtres ou les tortures, dans les massacres des protestants, il n’y a que des milices, des assassins, des violeurs, des aristocrates autorisant des massacres pour préserver leur pouvoir. La seule lumière est la lumière présente en certains personnages…

J’ai adoré « La Religion », Tim Willocks aurait pu écrire une simple suite, brodant sur ce qu’il avait mis en place, mais il ne s’est pas contenté de ça, loin de là, et en lisant « The Twelve children of Paris » je pense que vous serez d’accord avec moi quand je dis que c’est un monument, le livre est encore meilleur que « La Religion ». Il va plus loin dans l’exploration de la folie, de la violence, l’écriture de Willocks est encore plus puissante.

Un grand merci à Tim Willocks pour les mails échangés pendant ma lecture qui m’ont immergé encore plus dans son écriture, dans son univers et dans ce qu’il cherchait à créer avec ce livre.

Quand on pense que l’éditeur américain l’a refusé, on ne peut qu’être désolé pour les lecteurs américains de passer à coté de ce chef d’oeuvre, et féliciter les éditeurs anglais (Jonathan Cape) et français (Sonatine) de permettre à ce livre de trouver son chemin dans les librairies.

La sortie en anglais est le 23 mai… je conseille à tous les anglophones de se jeter dessus…

La traduction française chez Sonatine est prévue pour janvier 2014…

« La Religion » a été publiée en anglais en 2006, en 2009 en français, « The Twelve children of Paris » sera publié le 23 mai 2013… S’il faut attendre 7 ans pour la suite, ce sera dur, mais je suis prêt à attendre encore plus pour un autre chef d’oeuvre de ce genre…

A suivre bientôt, une nouvelle interview de Tim Willocks concernant ce livre…

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L’éditeur Anglais Jonathan Cape

« The Twelve children of Paris » chez Jonathan Cape

« La Religion » chez Sonatine

 

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